Plaine Cinéma : projection gratuite du film « Girafada » le samedi 23 janvier à 16h
Plaine Cinéma : projection gratuite du film « Girafada »
Film de fiction de Rani Massalha (2012, France/Palestine, 1h25, VOSTF) tout public dès 8 ans.
Le samedi 23 janvier à 16h – Théâtre de la Belle Etoile, 14 rue Saint Just, Saint Denis Tél. : 01 49 98 39 20
Yacine est vétérinaire dans le dernier zoo de Palestine, où son fils aime à s’occuper d’un couple de girafes. Suite à un raid aérien, le mâle meurt et la femelle se laisse dépérir. Yacine doit de toute urgence lui trouver un nouveau compagnon. Mais le seul zoo qui pourrait l’aider se trouve à Tel-Aviv. Inspiré d’un fait réel survenu en 2003, ce film délicat est porté par un jeune interprète très attachant.
Le dossier pédagogique: zdc_girafada
Du 28 novembre au 6 février, la ville de Saint-Denis et l’association Cinémanifeste proposent des séances de cinéma gratuites pour tous les publics dans trois lieux du quartier Plaine : la médiathèque Don Quichotte, la maison de quartier et le théâtre de la Belle étoile. Pour cette première édition, c’est le thème de la solidarité, de la citoyenneté et de l’engagement qui réunit tous les films qui vous sont proposés.
Retrouvez toutes les informations sur les séances sur www.cinemanifeste.fr
Contact : plainecinema@cinemanifeste.fr
Entretien avec le réalisateur du film Rani Massalha
Comment est née l’idée du film ?
Rani Massalha : Né d’un père palestinien et d’une mère égyptienne, je me suis toujours passionné pour le conflit israélo-palestinien. En 2003, au moment de la seconde intifada, une dépêche intitulée « Le conflit israélo palestinien a fait une victime de plus : une girafe est morte au zoo de Qalqilya » a attiré mon attention. J’ignorais qu’il existait un zoo en Palestine, je me suis mis aussitôt en tête d’agir pour que ce zoo acquière une nouvelle girafe en pratiquant un échange d’animal avec un zoo israélien. J’ai grandi et fait mes études en France mais je travaillais alors dans la finance à Londres. J’ai profité des contacts de mon père pour entrer en relation avec le vétérinaire du zoo et d’autres personnalités de la région. Je me suis battu pour ramener une girafe à Qalqilyia. Il me semblait que c’était une manière de rendre aux enfants palestiniens le seul espace où ils pouvaient encore prétendre à vivre des bonheurs de leur âge. Ma tentative a échoué. J’ai eu envie de raconter une histoire qui s’en inspirait.
Revenons aux évènements de Qalqilya.
R.M. : Situé près de Naplouse et littéralement encerclé par le mur, le zoo, comme toute la région alentour, vivait alors en permanence sous la menace des bombardements israéliens. La confiance entre Israël et Palestine était brisée. Le pays était en état de guerre au sens classique du terme. Il n’existait qu’un seul check point. La conciliation était impossible. De nombreux médias se sont passionnés pour cette histoire : un zoo en Palestine, c’est tellement improbable … Une journaliste britannique, Amelia Thomas, lui a consacré un livre, « The Zoo on the Road to Naplouse », un réalisateur néo-zélandais, Hayden Campbell, en a tiré un documentaire, « The Zoo », et en 2005 l’artiste allemand Peter Friedle a exposé la girafe tuée à La Documenta à Kassell, vaste exposition d’art contemporain qui se te tient tous les cinq ans, après qu’elle a été empaillée. Il y a vraiment eu une effervescence médiatique et culturelle autour de ce zoo. Je me suis emparé à mon tour de l’évènement : il me semblait que c’était une manière originale de mettre en lumière le conflit israélo-palestinien.
Pourquoi avoir eu envie d’en faire un film de fiction ?
R.M. : Je voulais raconter une fable à hauteur d’enfants. Le cinéma me semblait le meilleur outil pour y parvenir. Comment se lance-t-on dans pareille aventure ? Je vivais toujours à Londres et ne connaissais personne dans le milieu, j’ai pris le temps de réfléchir. J’avais quelques amis en France qui m’ont mis en relation avec un jeune scénariste, Xavier Nemo. Il a tout de suite cru au potentiel de mon histoire. « En tant que Juif et Arménien, m’a-t-il dit, je ne peux pas accepter ce qui se passe en Palestine ». Il s’est lancé dans le projet et a écrit le film en s’inspirant de ce que je lui racontais. En 2008, nous avions une première version du scénario. Entre temps, j’avais démissionné et étais rentré en France : j’avais un peu d’argent de côté, je me suis entièrement consacré à mon dessein.
Aviez-vous déjà en tête de réaliser vous-même le film ?
R.M. : Absolument pas. J’étais l’initiateur et me concentrais alors sur la recherche d’un producteur pour m’associer. Etant lié à Laure de Clermont-Tonnerre, j’ai tout de suite pensé à elle pour le rôle de la journaliste et lui ai donné le scénario à lire. Son père, le producteur Antoine de Clermont-Tonnerre, l’a aussi lu, il a souhaité me rencontrer et s’est lancé à son tour dans l’aventure. Ensemble, nous avons réfléchi à un metteur en scène. Il me semblait essentiel que le film se tourne en arabe. J’ai rencontré plusieurs réalisateurs palestiniens mais j’ai fini par comprendre que je devais tourner le film moi-même : je l’avais trop précisément en tête. Comment imposer ma vision à un autre ? D’une démarche de producteur, je suis donc passé à une démarche de réalisateur, et Antoine de Clermont-Tonnerre a pris le relais dans la production du film.
Vous n’aviez cependant aucune expérience…
R.M. : Grâce à Martine de Clermont-Tonnerre, j’ai eu la chance de rencontrer Rachid Bouchareb qui m’a engagé comme stagiaire combo sur « Hors la loi ». J’ai passé six mois à ses côtés et eu tout loisir de comprendre comment s’organisait la vie sur un plateau. C’était comme une formation accélérée : j’observais Rachid travailler le jour et discutais chaque soir des heures avec Jean Bréhat, son producteur. J’ai ensuite réalisé un court métrage en Palestine, « Elvis of Nazareth ». C’est à cette occasion que j’ai rencontré Ahmad Bayatra, le formidable petit garçon qui joue dans « Girafada ».
Parlez-nous du montage financier du film.
R.M. : Personne ne croyait au projet : un premier film, tourné en Palestine, avec un enfant et une girafe… j’avais conscience de cumuler les obstacles. Pendant qu’Antoine de Clermont-Tonnerre se démenait pour trouver des partenaires, je suis parti en Palestine pour préparer le tournage. Il me fallait obtenir l’autorisation de filmer dans le zoo de Qalqilya, et, bien que je connaisse déjà le vétérinaire, je devais convaincre le directeur de l’établissement et le maire du village. Il me fallait également penser à une logistique compatible avec un tournage et trouver des lieux où loger l’équipe – il n’existe là-bas aucune infrastructure hôtelière – , nouer des contacts avec les politiques et les gens de cinéma, m’implanter dans le paysage, en somme. In fine, Antoine de Clermont-Tonnerre a trouvé des partenaires européens, majoritairement allemands et italiens, et nous avons choisi de centraliser le tournage à Naplouse, la plus grande ville de Cisjordanie, qui se trouve à une demi-heure de route de Qalqilya.
Avec cette fable, vous réussissez paradoxalement à faire entrer très concrètement le spectateur dans la réalité du conflit israélo-palestinien.
R.M. : C’était mon idée. L’univers féerique du zoo rend d’autant plus fort le contraste avec le chaos militaire qui règne dans ce pays. De nombreux films ont été consacrés au conflit, mais peu à hauteur d’enfants. La situation émotionnelle dans laquelle se trouvent ce petit garçon et son père me permettait de raconter d’une autre façon le traumatisme subi par tout un peuple. Le tournage a duré six semaines seulement.
Comment s’est-il déroulé ?
R.M. : Les tensions entre l’armée israélienne et le Hamas venaient de reprendre. Sans subir de bombardements, nous l’avons vécu dans un état de tension très forte. Je tenais à ce que l’équipe technique soit mixte – des Palestiniens, des Israéliens, des Français et des Allemands. Il y a eu parfois – rarement – des éclats entre eux. C’était intéressant de voir ces gens confronter leurs positions et parfois s’en écarter un peu au terme de longues discussions.
La mise en scène de « Girafada » est épurée, avec des cadres très larges.
R.M. : En effet, il n’y a que deux plans rapprochés dans le film. Avec le chef opérateur, nous avons pris le parti de rester en plans larges : il fallait cadrer la girafe – ce qui n’est pas chose simple, mais je tenais aussi à montrer le mur sur toute son étendue. Je voulais d’autre part qu’on sente la présence de la Terre Sainte, me montrer généreux dans mon rapport à l’image. Nous avons beaucoup tourné en 18 et 21 millimètres, avec un découpage simple, des couleurs chaudes.
Vous filmez des paysages très peu connus des Européens.
R.M. : Les films consacrés au conflit sont souvent tournés à Malte ou du côté israélien avec de fausses reconstitutions de villes. Pour ma part, je tenais à tourner dans les vrais lieux. Je suis très fier d’avoir planté ma caméra à Naplouse, au milieu des ruines de cette ville millénaire.
Vous ménagez dans « Girafada » un suspense qui lui confère parfois une allure de polar…
R.M. : Le spectateur doit constamment se demander comment le vétérinaire palestinien et la journaliste vont réussir à faire entrer en Palestine cette girafe qui vient d’Israël.
En septembre dernier, le film a été sélectionné à Toronto. Quel a été l’accueil du public ?
R.M. : Lors des deux projections de « Girafada », les salles étaient pleines, les gens sortaient très émus. Le film a donné lieu à des débats passionnants. Par ailleurs, c’était la première fois que quatre films tournés en Palestine figuraient en sélection à Toronto au même moment. Un de ces films, « Omar », de Hany Abu-Assad, est d’ailleurs nominé aux Oscars cette année !
Comment émerge-t-on d’une telle expérience ?
R.M. : La tête pleine de projets. Le cinéma est devenu ma vie. Je suis en train de créer ma société de production : Les Films du Tambour. J’ai deux scénarii en route. Le premier, que je développe avec Jacques Fieschi, se déroule en Egypte dans le quartier des chiffonniers. Le film raconte l’histoire d’un militaire musulman qui reçoit l’ordre de mettre à mort tous les porcs du Caire, en réponse à la propagation de la grippe H1N1. Marié à une chiffonnière copte dont le père a un élevage de porcs, il devra faire des choix difficiles pour lui et sa famille. Le second est une comédie qui se passe en Terre Sainte : deux fous, échappés d’un hôpital psychiatrique, répandent le bruit qu’Elvis Presley est toujours en vie : il est Palestinien et vit à Nazareth. A suivre …
Texte extrait du Dossier de presse du film, © Pyramide Distribution